Voilà bien un drôle de thème vous direz-vous en lisant le titre de cet article.
Mais à l’heure à la planète souffre de par nos turpitudes, nous sommes là pour poser toutes sortes de questions, même celles qui paraissent absurdes.
A priori, on peut penser que oui, l’Aikido est un art écologique dans la mesure où il n’est pas mécanique, ne nécessite pas de moteur ou d‘énergie polluante.
De la sueur oui, de l’huile de coude en grande quantité également, mais pour le reste ce n’est pas une activité polluante. Nos armes sont sans gaz à effets de serre ni explosion, et nos tenues sont en coton. L’aïkidoka peut donc se dire en toute bonne conscience qu’il respecte son environnement.
De plus, la compréhension des rythmes de la nature, de l’énergie, du corps et les messages de paix et de bien-être véhiculés par cet art martial font de l’aïkidoka une personne sensible à la beauté de la nature.
Toutefois, si on creuse un peu plus loin on s’aperçoit que le tableau n’est pas si idyllique qu’on le voudrait croire. Commençons par notre équipement.
Les tatamis que nous utilisons sont en mousse expansée, avec revêtement synthétique ou en coton, le tout gaiement bariolé de couleurs vives. Ces mousses sont bien loin des tatamis en paille, fragiles certes, mais au moins 100% naturel. Les mousses sont des dérivés de produits pétroliers.
De l’extraction au raffinage, de la transformation du produit brut en matière synthétique, de la mise en forme par thermoformage -qui nécessite de l’énergie pour chauffer- en passant par l’utilisation de teintures chimiques, on ne peut pas dire qu’il s’agisse ici d’un produit écologique, bien au contraire.
On se trouve là dans l’un des pires produits qui puissent exister, surtout qu’il n’existe aucune filière de recyclage pour ces matières. Il faut les jeter ou les brûler, induisant ainsi d’autres comportements polluants.
Passons aux armes en bois. Le Japon a perdu tellement de forêts que le fameux « chêne japonais » est strictement contrôlé et que seule une minuscule portion des arbres fait l’objet d’un droit d’exploitation.
Nos bokken, jo et tanto sont depuis bien longtemps issus des arbres d’Indonésie ou des Philippines, achetés par des compagnies à Hong-Kong, travaillés en Chine ou à Taïwan, puis, selon certains dires, exportés au Japon où ils reçoivent une étiquette « Made in Japan » (ils sont quand même de qualité supérieure aux autres car le bois est bien meilleur).
La croyance en ce label est donc un leurre, car aujourd’hui il existe peu de monde utilisant du bois du Japon (trop cher) ou de la main-d’œuvre japonaise (trop chère également), à l’exception d’une poignée de petits artisans qui font de la résistance et de Budo Export ou Iwata qui essaye de remédier à cette situation en travaillant avec des ateliers locaux et qui utilisent des bois de l’archipel (comme le Sunuke).
En commandant ces armes conçues dans des conditions douteuses (je ne parle pas des marques précitées) , un aïkidoka participe donc (certes à petite échelle) à la déforestation dramatique de l’Asie du Sud-est, à l’exploitation de main d’œuvre et à la pollution générale à grand renfort de transports maritimes pour le bois brut (1er voyage), le bois usiné en machine (2e voyage) le produit manufacturé (3e voyage) et son exportation dans le monde (4e voyage).
Les keikogi sont en coton. Ça au moins c’est écolo, me dira-t-on. Rien n’est plus faux ! Le plant de coton épuise rapidement le sol où il est planté et nécessite donc des engrais dès sa deuxième année. Le cotonnier connaît un certain nombre de maladies ou de parasites, comme le faux mildiou et bien d’autres, contre lesquelles il faut pulvériser des pesticides. Il faut savoir qu’un plant de coton épuise le sol où il est planté en 10 ans et qu’aucune culture n’est possible à sa place avant quelques années.
L’exploitation du coton africain et américain est, là aussi, affaire de grosses multinationales. Pour les Africains, les sols pauvres s’épuisent et les petits cultivateurs sont exploités par des cours du marché volontairement maintenus très bas. Pour les Américains, les grandes exploitations sont entièrement mécanisées, soit plus de pollution et un appauvrissement de la terre à cause du labourage, qui doit être suppléé par des engrais.
L’industrie du coton est également très polluante, car on utilise des produits corrosifs pour passer de sa couleur naturelle blanc-jaune à une couleur blanche immaculée. Sans parler des quantités d’eau utilisées qui provoquent la pollution des rivières.
Enfin, il faut penser à nouveau aux transports maritimes, à la confection des keikogi (surtout en Chine, au Vietnam et au Pakistan), à l’exploitation des ouvriers (parfois de jeunes enfants sont exploités dans les ateliers…) après celles des cultivateurs, à la réexpédition des produits finis pour l’exportation à travers le monde.
On ne peut pas décemment se glorifier de nos keikogi.
Maintenant, il y a aussi la problématique du coût car on ne peut pas lutter économiquement contre par exemple Décathlon qui propose des tenues pour une vingtaine d’euros mais on ne regarde pas du tout ce qu’il y a derrière.
Il faut savoir ce que l’on veut de sa pratique, si on fait du « loisir », il est évident que l’investissement dans des tenues onéreuses sera le cadet des soucis. Toutefois si on commence à pratiquer régulièrement, à participer à des stages ou même à devenir enseignant, je pense qu’il faut aller vers du matériel de qualité.
Encore une fois, Budo Export est une bonne alternative avec un rapport qualité/prix le meilleur du marché et un service de haut niveau.
Question initiative pour éviter des produits délocalisés ou fabriqués dans des conditions douteuses, on peut tenter de faire face à cette situation en travaillant avec des artisans locaux.J’ai eu il y a quelques années l’idée de me lancer dans la confection d’une ligne de keikogi en coton bio, j’avais trouvé un fournisseur de cette matière en Belgique mais vu le coût élevé, je ne me suis pas lancé dans l’aventure, elle reste néanmoins dans ma tête.
Et comme le hasard n’existe pas tout à fait, le destin a mis sur ma route un menuisier qui réalise de très beaux Jo en Chêne de chez nous (et même en Orme!!!) à des prix raisonnables et surtout destinés aux enfants ou aux personnes n’ayant pas envie d’investir dans du matériel de haut prix. Ces bois viennent de chutes de construction ou de fabrication, ce qui est une super idée de récup.
La même chose pour des tissus travaillés par une maman d’élève, couturière professionnelle et qui a réalisé de très belles housses d’armes le tout made in Belgium et avec une solidité à toute épreuve.
À notre équipement on peut ajouter notre comportement individuel, comme le déplacement en voiture vers son dojo ou vers les stages.
Pas terrible pour la planète tout ça.
Nous essayons néanmoins de covoiturer le plus possible, ce qui est déjà une bonne chose. Et puis aussi pas facile de se déplacer en vélo avec tout le matériel.
Après ce court constat, que faire ? Faut-il arrêter la pratique des arts martiaux en général (un peu exagéré, je sais 😉 )?
Clairement, la réponse est non, la solution n’est pas dans l’arrêt de nos pratiques martiales, mais dans la prise de conscience de notre consommation autour de notre pratique.
A l’avenir, nous pouvons devenir des pratiquants éco-responsables tout comme nous sommes en voie de devenir des éco-citoyens.
Il faut, tous ensemble chercher des solutions alternatives.