Avec le décès survenu ce 18 mai de Seseki Abe Sensei à l'âge de 96 ans, c'est encore un géant qui disparaît.
Seiseki ABE est né en 1915 à Osaka. Il débute l'art de la calligraphie en 1934 alors qu'il n’a que 19 ans. Seiseki est initié par son père, professeur d'école élémentaire et calligraphe talentueux. Coïncidence troublante, le nom de sa mère : "Fude", est aussi le mot japonais pour “pinceau” ! La calligraphie devient rapidement l’un des buts de sa vie et en 1948 il devient professeur de shodo à Osaka, sa ville natale. Il dispense d’abord son enseignement à l’école élémentaire, puis dans une école de filles et enfin au niveau collège, lycée et universitaire. Confronté à une impasse dans sa progression de calligraphe, il découvre le Misogi no Renseikai du Docteur Kenzo Futaki. Ce dernier, Docteur en Médecine, est également un étudiant d’avant-guerre de Morihei UESHIBA. Ce Misogikai est un groupe dédié à l’exploration et l’enseignement de méthodes permettant de puiser dans une sorte de force “psychologique” ou “spirituelle” qui va au-delà de la simple force physique, une purification (misogi) pour développer le “ki”. Petit à petit, cette pratique change son attitude et sa manière de penser pour la calligraphie. C’est à cette époque que FUTAKI Sensei lui recommande de pratiquer l’Aïkido.
En 1952, il se rend au dojo d’aïkido ouvert par Bansen Tanaka à Osaka. TANAKA et ABE se connaissent déjà mais Seiseki ignorait jusque là que ce dernier pratiquait l’aïkido. Il décide de rentrer dans sa maison et lui dit “J’ai vu le nom de Tsunemori UESHIBA sur la plaque. Est-il vraiment là ?” TANAKA lui répond positivement et lui précise que le dojo avait ouvert la veille ! Aussitôt Seiseki se présente à Maître UESHIBA comme un étudiant du Docteur FUTAKI. O Sensei le fait entrer et s’intéresse immédiatement à lui, lui parlant de concepts complexes en rapport avec le Chinkon Kishin et quand il eut fini il lui dit : “C’est tout pour aujourd’hui. Revenez demain”. C’est une chance pour ABE car à cette époque le fondateur accepte rarement de nouveaux élèves, surtout s’ils ne sont pas pourvu d’au moins deux recommandations formelles. Peu après avoir débuté l'entraînement, ABE est frappé par les similitudes entre les techniques de respiration utilisées en aïkido, dans le misogi et le shodo. Il arrive à la conclusion que les trois arts poursuivent le même objectif : la compréhension du concept de ki. En 1954, Seiseki accompagne Maître UESHIBA à Shingu pour assister à l’ouverture du dojo de Michio Hikitsuchi. Le séjour dure un mois et O Sensei, qui apprécient peu l’oisiveté des pratiquants, lui demande d’enseigner la calligraphie entre les cours d’aïkido. Au début le fondateur préfère le regarder enseigner et petit à petit, il s’intéresse lui-même à la calligraphie, au point de tracer sa première oeuvre : le mot “aiki”. A la suite de ce séjour, O Sensei décide de se rendre occasionnellement à Osaka pour partager des journées entières à pratiquer cet art en compagnie de Maître ABE. A partir de 1959, une relation particulière se développe entre les deux hommes.
ABE Sensei fait construire un dojo traditionnel (Ameno Takemusu Juku Dojo) à côté de sa maison pour y accueillir plus régulièrement Maître UESHIBA. Ce dernier vient ainsi vivre sept à dix jours par mois auprès de Maître ABE pour étudier la calligraphie et y l’enseigner l’aïkido. Situation assez inhabituelle, Seiseki devient alors UCHI DECHI dans sa propre maison ! Ensemble, ils développent une relation «élève-professeur» à l’ancienne, basée sur l’esprit strict du Bushido. Pour Maître ABE «c’est la seule manière pour réellement saisir et absorber le “kokyu” de son professeur. Vivre sous le même toit vingt-quatre heures sur vingt-quatre donne accès non seulement à ses connaissances techniques, mais aussi à une compréhension de la manière dont il vit et respire, son style de vie et ses rythmes». Par la suite, Maître UESHIBA attribuera verbalement le grade de 10ème Dan à Seiseki ABE. Après le décès du fondateur, en 1969, ABE Shihan continuera d’enseigner dans son dojo d’Osaka. Aujourd’hui « retiré », il reste, à 95 ans, l’un des plus grands maîtres de shodo et d'aïkido du Japon.
Maître ABE à formé plus de 200 shihans de shodo et a dispensé son enseignement à plus de 3000 étudiants dans la région du Kansai, ainsi qu'aux Etats-Unis (New York, Los Angeles) et en Australie. Membre du NITTEN, l'organisation artistique la plus importante du Japon, ABE Senseï est responsable du comité chargé de la sélection annuelle des calligraphies pour une des plus grandes expositions du pays.
Auteur du grand «Aiki Jinja» taillé dans la pierre du sanctuaire de l’aïkido situé à Iwama. Il est également le professeur de plusieurs haut gradés d’aïkido.
Personnage énigmatique, Seiseki ABE est un spécialiste du misogi et du kojiki (chronique des choses anciennes), le livre fondateur de la culture japonaise. Ce qui lui permet d’avoir une compréhension assez rare des propos d'O Sensei.
(Source biographique : www.aikicam.com).
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Une pratique ésotérique…