Dans le film Shichinin no bushi (7 Samourais) de Akira Kurosawa, nous retrouvons différentes scènes du principe du wu wei : Kanbei le vétéran, qui fait office de chef, va recruter des bushi en vue de former un groupe pour défendre un village de paysans soumis aux raids incessants de pillards. Dans sa recherche, il est amené sur les lieux d’un duel entre Kyuzo, un maître de sabre constamment dans le perfectionnement de son art, et un rônin.
Son antagoniste, un samouraï imbu de sa personne, contestant la victoire de Kyuzo lors d’un assaut au bokken, réclame un combat définitif au katana. Obligé d’accepter sous l’insistance démesurée du rônin, Kyuzo se met en position waki no kamae, enraciné dans son centre, le visage impassible. Son adversaire à une dizaine de mètres, en jodan no kamae, s’agite en poussant des kiai. A ce moment, Kanbei déclare « l’issue est évidente ». Le rônin court en criant, le sabre haut sur Kyuzo. Au moment décisif, le sabre de Kyuzo s’abattit sur son adversaire dans l’espace et le temps nécessaire à l’action juste. Si nous analysons cette scène : d’une part, nous avons Kyuzo dont l’attitude corporelle va induire et renforcer son détachement dans le combat ; l’unité du corps et de l’esprit dans l’attente symbolise l’expression de « l’agir sans agir », l’action naturelle va intervenir sans mise en avant de l’égo au moment du contact lorsque le sabre va jaillir dans son rôle intrinsèque. A contrario, son adversaire évolue dans le monde de l’égo, de l’agitation physique et mentale, des cris, de l’instabilité….tous les indices de la défaite.
Dans le monde animal, nous retrouvons ce wei wu wei dans la nature inhérente à chaque espèce où l’égocentrisme et la conscience sont absents (à vérifier), où seule la programmation génétique de l’espèce dirige les actions principales de la vie (manger, dormir, se reproduire etc…) ; par exemple un épervier tournoie au-dessus d’un champ, repérant sa cible : un mulot. A un moment, l’oiseau va interrompre son cercle et fondre sur le mammifère manifestant ainsi une méthode de chasse de l’espèce utilisant les forces et l’habilité optimum du volatile sans interférence de l’égocentrisme. 10 kilomètres plus loin, avec des acteurs similaires, nous retrouvons un schéma identique.
Dans certains arts martiaux, ces principes sont mis en évidence à travers l’optimisation de l’humain dans le geste animal tel que la boxe du tigre, de la mante religieuse, de la grue, du singe, du dragon, du serpent etc…
La nature nous offre aussi l’enseignement du wu wei. Par exemple, la vague qui vient se briser sur le rocher n’a pas la volonté de faire une douce caresse ou une déferlante, elle obéit aux lois cosmiques pour son action, en l’occurrence le cycle lunaire. Elle s’harmonise ainsi aux lois de notre univers. Cette vague qui s’est individualisée un court instant va se détruire dans sa forme et se fondre dans l’océan, elle va se reconstituer sous une même forme avec des composants différents dans un cycle infini. O sensei Morihei Ueshiba disait « le sens profond de l’aikido, c’est de s’harmoniser avec le mouvement de l’univers et de s’unir soi-même avec l’univers » ; et il continue « l’ennemi, en essayant de se battre avec moi qui suis l’univers, essaye de rompre l’harmonie de l’univers ; à l’instant où il pense combattre avec moi, l’ennemi est déjà défait. »
C’est aussi un exemple du wei wu wei, l’action se fait dans la non-action génératrice de la transcendance de l’homme.
Le premier stade est de comprendre les mouvements de l’univers et de trouver le moyen pour s’unir avec celui-ci.
Cela va impliquer une pensée juste, une compréhension juste, un geste juste, une action juste, avec notamment la purification du coeur, la clarté de l’esprit, la disponibilité du corps, l’application des principes qui régissent notre cosmos dans la pratique, et aussi beaucoup de courage pour suivre cette grande voie d’aiki que nous invite à suivre le vénérable fondateur O sensei Morihei Ueshiba.