Claude Durix, un nom qui ne dira pas grand chose à pas mal de monde. Pourtant, il fut un des maîtres qui m’a le plus marqué. Je n’ai pas eu la chance de le rencontrer mais ses écrits, ses livres ont été des enseignements précieux. Je pense en particulier à Le Sabre et la Vie, magnifique ouvrage sur l’art du sabre détaillé par chapitres consacrés à chaque étape du Iaido avec des anecdotes, des paraboles et des parallèles empruntées à la vie. Je me suis souvent demandé ce qu’il était devenu et hier, en parcourant le magazine Bio Info, j’ai découvert qu’il était décédé il y a deux ans dans le silence le plus complet. Je vous livre ce magnifique article de Michele Cedric qui avait rencontré ce grand monsieur dans le cadre de son émission « Dites-moi ».Comment faire entrer, dans une demi-page, la vie tellement riche de Claude Durix, chirurgien de l’oeil, Maître en Arts Martiaux, calligraphe…?Je vais pourtant le tenter, tellement mon envie de vous faire découvrir ce sage, disparu il y a 2 ans, est grande. Je l’avais rencontré lors d’une Journée consacrée à Maurice Béjart. Claude Durix y faisait une démonstration de Kendo. J’ignorais alors que cet homme caché sous une lourde armure, le sabre à la main, était un des plus hauts gradés occidentaux en Arts Martiaux : 12 ceintures noires de Kendo maisaussi de Judo, d’Aïkido, d’Ilaïdo et Maître de Zen qu’il a d’ailleurs introduit sur le continent africain.
Car c’est bien en Afrique du Nord que ce jeune médecin français, chirurgien de l’oeil, s’était établi, ses études à peine terminées. Le choix de cette spécialisation ? Il était tombé, un jour, amoureux de l’oeil, l’oeil, c’est le plus bel organe de l’être humain, le plus expressif, leplus démonstratif de la nature humaine, celui qui nous relie le mieux à notre environnement. Dans les années 50, il réalise dans son pays d’adoption, le Maroc, plusieurs grandes premières chirurgicales ophtalmologiques : décollements de rétine, opérations de cataracte par des méthodes modernes, premières greffes de cornée…Mais si ses anciens patients ont pleuré, lors de son départ à la retraite pour le nord du pays, en 1987, c’est parce qu’ils perdaient un homme toujours à leur écoute. « Une opération, c’est un rendez-vous d’amour. Il faut une communion d’âmes entre le chirurgien et le malade, dans l’unité de la vie cosmique. Difficile de l’interrompre lorsqu’il parle de ce Maroc qu’il aime. « Au fur et à mesure de ma pratique professionnelle, je découvrais les qualités des personnes qui m’entouraient, comment elles réagissaient face à la souffrance. »
Voilà pourquoi,les deux années prévues là bas, au départ, sont devenues pour lui son projet de toute une vie. Son amour pour le Maroc, il le doit aussi à la grande spiritualité qu’il y a découverte. L’Islam pratiqué au Maroc estd’une grande tolérance, d’une grande ouverture aux étrangers. Ce n’est pas un hasard si, une fois sa vie professionnelle terminée, Claude Durix est venu s’installer, avec sa femme, non loin de Tétouan, avec vue sur la montagne où vivait, au 13e sièce un grand maître spirituel musulman musulman Abd as Salâm ibn Mashîsh, un des saints les plus vénérés au Maroc. Une spiritualité se dégage de cet endroit, du mausolée où il est enterré, et s’étend sur toute la région.
Claude, lui-même chrétien catholique aime réciter une des prières de ce maître spirituel : Tire moi des bourbiers de la confusion et plongemoi dans l’océan de l’Unité. Sa vie de retraité, Claude Durix la voulait aussi riche que sa vie professionnelle l’avait été. Son si beau dojo installé dans son jardin japonais, parmi les bambous, face à la mer, abritait ses séances de méditation Zen. Dans son atelier où il m’avait entraînée, il pratiquait avec amour la calligraphie étudiée avec un vieux maître, au Japon. Un très bon exercice pour un chirurgien. Avec le verbe, on peut mentir, avec le geste, on ne ment pas. Un caractère doit être tracé en une seule respiration. Pas de repentir possible. Maîtriser le mouvement, c’est avoir une chance de s’entendre dans sa profondeur.
Les nombreux livres qu’il a écrits, il les a voulu comme des bouées de sauvetage auxquelles les personnes en plein désarroi, dans cette période « de destruction » pourraient se raccrocher. « Il faut que chacun de nous ait cette volonté de transmettre ce qu’il a appris : une attitude, une phrase, des actions, petits ferments qui peuvent provoquer des réactions importantes. » L’Humanité a besoin, pour son évolution, d’êtres comme Claude Durix qui, derrière son sourire un peu taquin, son air bonhomme, dégageait une sagesse rassurante, à notre portée. Dommage qu’il ne soit plus là . Michèle Cédric