Une belle analyse sur ce sujet auquel nous sommes souvent confrontés..et surtout nos collègues de tatamis féminines…par Stéphanie Schmitt, aikidokate et coach, sur http://www.stephanieschmitt.fr/ (avec l’aimable autorisation de l’auteur…merci).
Pourquoi certaines personnes mettent une grande énergie à détruire les autres? C’est une question que l’on peut se poser par rapport à un comportement qu’on observe assez régulièrement. Voyons comment peut se développer un tel « pattern » en prenant un exemple démonstratif.
Lors des cours d’aïkido certaines personnes profitent du couvert de l’art martial pour faire mal et montrer leur force. C’est bien sûr très loin de l’esprit de ce sport, mais c’est une chose à laquelle je suis attentive pour éviter d’être prise pour cible. J’ai pu observer ce processus dans chaque groupe parmi lequel j’ai été amenée à pratiquer. La première fois j’ai bien vu l’opposant arriver. Il portait en évidence son mal être et je l’ai immédiatement identifié comme une personne potentiellement dangereuse. Je n’ai pas attendu longtemps. Alors que je le mettais en garde il m’a serré si fort que j’en ai eu une paralysie temporaire du petit doigt. Le nerf avait été comprimé. C’était ma première expérience et du coup j’ai donné une seconde chance non sans avoir communiqué sur la situation avec mon "agresseur". Quelques séances plus tard je me retrouvais dans la même posture. Parallèlement je voyais les efforts de cette personne pour se définir comme cool et fort. L’analyse est assez simple : un manque de confiance compensé par des démonstrations de force contre les autres. En fait le sujet veut se prouver à lui-même qu’il est fort en détruisant une personne qu’il identifie comme forte elle-même.
L’origine est probablement tribale : pour les peuples cannibales manger son ennemi était un moyen de s’approprier sa force. Ce comportement est resté comme une solution pour se définir par rapport aux autres dans la destruction, pour se définir en opposition à son entourage.
Ce comportement se retrouve également dans les groupes, dans l’entreprise et particulièrement dans le monde politique. Je détruis mon ennemi pour prendre sa place. C’est assez souvent lié à une peur ou un manque de confiance car, d’une manière générale, celui qui veut montrer sa force ou son pouvoir doute de lui-même et vis mal ce qu’il identifie comme ses faiblesses. Du coup il met beaucoup d’énergie à démontrer le contraire. D’où souvent la pratique d’un art martial pour se montrer fort. Ce sont d’ailleurs régulièrement ceux qui adoptent les postures les plus caricaturales et qui se prennent le plus au sérieux.
Alors que faire ? Pour l’aïkido la solution que j’ai mise en place est de ne pas donner de deuxième chance et de ne plus pratiquer avec ceux qui ont tendance à faire preuve de force contre moi. La différence est souvent évidente entre un pratiquant généreux qui agit dans un esprit de collaboration et sait partager pour avancer avec l’autre quelque soit son niveau et un pratiquant qui a besoin de se positionner au détriment des autres pour s’affirmer. Par contre je l’exprime clairement pour que la personne sache pour quelle raison je ne souhaite pas pratiquer avec elle. Et même si le comportement est relativement inconscient, je crois que c’est aussi rendre service que de ne pas esquiver, mais exprimer son refus de l’agression. C’est aussi montrer qu’on n’accepte pas l’opposition tout en portant son attention sur le fait de ne pas rejeter la personne pour autant. Pour l’aïkido c’est une question de "survie" : je dois me préserver pour pouvoir continuer à pratiquer et en avoir envie.
En dehors de l’aïkido le comportement est parfois plus subtil à identifier même s’il est largement répandu. Détruire la personne qui représente ce que l’on n’arrive pas à être pour ne plus ressentir ses propres faiblesses. C’est parfois perçu comme plus simple de détruire les modèles que d’entamer un changement en soi. D’une manière générale la cause est la même : le manque de confiance qui provoque la volonté d’agir sur les autres plutôt que sur soi-même. Détruire l’autre plutôt que de se construire. Là il est plus difficile de réagir. Se défendre me parait approprié, mais sans rentrer dans la volonté d’opposition qui conforterait la personne dans son scénario destructeur. L’objectif est, si c’est possible, de faire comprendre à la personne qu’elle a plus à tirer à s’associer à ceux qu’elle prend comme cible qu’à vouloir les détruire. L’énergie est bien mieux utilisée et on évite les affrontements stériles. Simplement à nouveau on a à faire à un comportement inconscient qui n’est pas forcément identifié et donc difficile à analyser par la communication.
Quoiqu’il arrive le plus important est tout d’abord d’identifier le comportement et de le repérer pour éviter de prendre l’attaque comme quelque chose de personnel. En aucun cas une réaction d’agression pour se défendre n’est appropriée, mais il est clair qu’adopter une posture positive n’est pas non plus des plus faciles. Il faut beaucoup d’énergie pour faire évoluer une personne d’un scénario de destruction vers une autre solution.
Mais rien n’empêche d’essayer…