Les rencontres que l’on peut faire grâce à notre art sont un des éléments merveilleux de l’Aïkido…Il y a quelques années, je participais à un stage enseignants en France avec Nebi Vural et Claude Pellerin. Nous étions un grand groupe à nous déplacer à cette époque (pour ne plus que nous retrouver à deux au dernier auquel nous étions invités). Lors de ce stage, certains belges se déplaçaient et pratiquaient d’une façon humm disons "originale ;-)" et quasi toujours avec le même partenaire. L’un des anciens nous surnomma, avec son bel accent du sud, les "sénateurs" même ceux qui marchaient bien ;o), je venais de faire connaissance avec Alain Lapierre…ce surnom est resté mais…à lui-même et à chaque fois que nous avons la chance de le croiser, nous ne manquons pas de nous asticoter de ce vocable. Alain est vraiment un ancien pratiquant qui a pas mal bourlingué dans l’hexagone, il est présent à quasi tous les stages de Tamura Senseï et anime lui-même nombre de formations "normales" et moins normales telles que les formations seniors grands débutants (j’en parlerai plus longuement dans un autre post). Sa vie n’a pas toujours été des plus faciles…il y a quelques temps, il avait publié un article dans Seseragi que Léo Tamaki a commenté récemment sur son blog. J’avais gardé ce beau récit dans mes grimoires et je vous le ressort avec l’aimable autorisation de l’auteur qui soit-dit en passant viendra animer un stage au Sakura Dojo très bientôt… Merci, Alain…
1 – Etat des lieux Un homme de 57 ans. Il commence juste à se relever d’une profonde dépression due en partie à une grande fatigue physique cumulée pendant des années, à une grande fatigue psychique due à plusieurs éléments. La mémoire et les capacités d’orientation, de concentration et d’analyse, sont sérieusement affectées au point qu’il est professionnellement invalidé et craint souvent de se perdre ou de perdre ses affaires (cela lui arrived’ailleurs par oubli). Le corps est meurtri des épaules aux mains, du dos aux pieds. Les tendons douloureux et durs, les mollets hypersensibles a la moindre pression au point qu’il doit sans cesse passer de la position seïsa en tailleur et inversement tant les tendons sont douloureux. A deux reprises, il a été sujet à dérobement d’une jambe et chute. Au point que les médecins soupçonnaient un Problème circulatoire ou neurologique. Depuis plusieurs années déjà la fatigue est telle qu’aux cours d’aïkido il doit quelquefois s’arrêter au bout de 1h de pratique. Il réagit très lentement à certaines sollicitations.
Gros effort de concentration qui porte ses fruits : il s’était fixé une ligne de maintien de son attitude et de la distance (repères). Malgré une hypoglycémie de taille (probablement liée au stress), l’épreuve ne se passe pas trop mal. Le hasard va l’aider à avancer. Un changement de région l’a conduit dans un département où l’Aïkido est un peu « la belle endormie ». On lui confie la charge d’un club que l’enseignant vient de lâcher. Parallèlement, il accepte la vice-présidence du comité départemental, chargé d’organiser les stages. Il est, cela va l’encourager, le plus gradé du département. Cela lui offre une occasion de plus de réfléchir sur sa pratique : il est surpris par le travail qu’un des cadres lui propose d’effectuer sur son propre corps. L’année suivante, outre la reprise d’un autre club, lâché à la même période que le premier, dans les mêmes conditions, il est projeté président du comité. Il considère que toutes ses responsabilités exigent de lui qu’il améliore son niveau technique. Il installe 24 m2 de tatamis dans son habitation, et tous les matins travaille sur son corps. La même année, il apprend que désormais le délai obligatoire pour déposer un dossier d’obtention du yondan est passé a 8 ans. Il décide alors de travailler chez lui et en stage, la possibilité de passer le yondan. Le travail est plus dur que ce qu’il pensait à plus d’un titre : ses bases techniques sont nettement insuffisantes, et son corps n’est pas du tout prêt. Deux phases très différentes vont permettre d’envisager l’examen.
Qu’importe, il y a tellement de choses à améliorer. Il faut entretenir le corps et la motivation. Cela prouve aussi qu’un travail uniquement orienté sur son corps, sans partenaire, est très porteur (d’où l’importance de Jumbi Dosa). L’année suivante (il a alors 62 ans), il se présente au 3ème dan Aïkikaï, devant Tamura Senseï et l’obtient. Sans juger de la qualité technique, il est content de son passage : étant uké (aïté peut-être !) en première partie, il réussit à gérer son souffle, par l’attitude, le mode respiratoire et la décontraction. La deuxième partie comme tori ne se passe pas mal, il se rend compte cependant qu’en fin d’examen (jo en particulier), il a du mal à varier les techniques. Mais aucun problème de souffle ou de désorientation ne vient le perturber. Ceci prouve que le travail est payant. C’est le message de ce témoignage… L’Aïkido peut-être un formidable outil de restructuration. Il ne faut jamais renoncer. Un lent travail de fourmi permet petit à petit de redresser la barre. On ne pourrait pas redresser la tour de Pise brutalement, mais jour après jour, 1/2 degré par 1/2 degré, lui laisser le temps de retrouver sa base, de la refaire un peu. Qu’elle reprenne confiance en ses pierres devrait permettre de la remettre droite. Le regard des humains le lui permettrait-il ? Ce sera ma conclusion : cela ne dépend que de votre projection dans l’avenir ! "Un pratiquant comme tant d’autres"